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MARION Jean-Luc Au lieu de soi. L´approche de Saint Augustin Librairie Eklectic

Au lieu de soi. L´approche de Saint Augustin

Auteur : MARION Jean-Luc
Editeur : PUF         collection : EPIMETHEE
Nombre de pages : 440
Date de parution : 17/09/2008
Forme : Livre ISBN : 9782130544074
PUF670

NEUF Normalement disponible sur commande
Prix : 35.00€

"Saint Augustin ne parle pas la langue ""grecque"", ni celle des philosophes, ni même celle des Pères de l´Église.
Il ignore la moderne distinction entre théologie et philosophie, n´entendant en cette dernière que l´amour de la sagesse, donc de Dieu et du Christ. Il n´appartient pas à la métaphysique, du moins entendue en son sens littéral et historique, le seul digne de discussion. Et c´est pourquoi sa pensée reste toujours controversée et incertaine, d´autant plus que progresse l´érudition et les interprétations - parce qu´on lui a imposé, consciemment ou non, des lectures métaphysiques qui lui faisaient violence, ou parce qu´au contraire son étrangeté résistait à la métaphysique.
Il se pourrait donc qu´aujourd´hui il nous précède, nous qui sortons à peine de la métaphysique, lui qui n´y est sans doute jamais entré. Il faut donc le lire à partir de ses propres critères et intentions: en l´occurrence à partir de ce qu´il nomme la confessio - parler une parole non pas produite, mais reçue et, une fois écoutée, rendue, afin de ne pas tant parler de Dieu, que parler à Dieu, soit dans l´aveu des fautes, soit surtout dans la louange (chap.
II. A partir de cet écart originaire à l´intérieur de la parole, il devient possible, inévitable plutôt, d´envisager l´accès à soi et son aporie. Car, ici, la certitude d´exister conduit (au contraire du cogito cartésien) à l´inconnaissance de soi. l´habite précisément hors du soi: dans la mémoire (l´immémorial, plus encore que l´inconscient) (chap. II). Ainsi j´habite dans le découvrement non pas théorétique mais érotique de la vérité, qu´il faut aimer pour la connaître (chap.
III). Ainsi j´éprouve, au moment d´aimer (ou de haïr) la vérité, l´indisponibilité de ma propre volonté à elle-même et mon exposition incessante à la tentation (chap. IV). L´altérité du soi à soi ne pourra jamais se dépasser, mais elle peut se penser. Il faut pour cela identifier l´écart qui fait de je son autre le plus proche, mais le plus définitif. Cet écart se déploie dans l´événement du temps lui-même, où ce que je suis se déploie précisément et inéluctablement dans la distance, la distraction et l´écart l toute la difficulté consiste alors à user cette distance comme d´un élan hors de soi, non comme une dispersion en soi (chap.
V). L´écart ambivalent de sa temporalité assigne en fait le soi à sa finitude, ou plus exactement à son statut de créature (chap. VI): en tant que tel, l´homme n´a pas d´autre essence ni définition que sa référence à Dieu, que son statut d´image renvoyée à la ressemblance de Dieu. Ce qui prend la place du soi, à savoir ce renvoi même à l´image et ressemblance, ne l´abolit donc pas, mais le reconduit à son lieu unique - à plus que soi, autre que soi, mais plus soi que soi, interior intimo meo.
A moins que cet excès sur soi, le soi de l´homme ne trouve pas de lieu où se poser."


"Saint Augustin ne parle pas la langue ""grecque"", ni celle des philosophes, ni même celle des Pères de l´Église.
Il ignore la moderne distinction entre théologie et philosophie, n´entendant en cette dernière que l´amour de la sagesse, donc de Dieu et du Christ. Il n´appartient pas à la métaphysique, du moins entendue en son sens littéral et historique, le seul digne de discussion. Et c´est pourquoi sa pensée reste toujours controversée et incertaine, d´autant plus que progresse l´érudition et les interprétations - parce qu´on lui a imposé, consciemment ou non, des lectures métaphysiques qui lui faisaient violence, ou parce qu´au contraire son étrangeté résistait à la métaphysique.
Il se pourrait donc qu´aujourd´hui il nous précède, nous qui sortons à peine de la métaphysique, lui qui n´y est sans doute jamais entré. Il faut donc le lire à partir de ses propres critères et intentions: en l´occurrence à partir de ce qu´il nomme la confessio - parler une parole non pas produite, mais reçue et, une fois écoutée, rendue, afin de ne pas tant parler de Dieu, que parler à Dieu, soit dans l´aveu des fautes, soit surtout dans la louange (chap.
II. A partir de cet écart originaire à l´intérieur de la parole, il devient possible, inévitable plutôt, d´envisager l´accès à soi et son aporie. Car, ici, la certitude d´exister conduit (au contraire du cogito cartésien) à l´inconnaissance de soi. l´habite précisément hors du soi: dans la mémoire (l´immémorial, plus encore que l´inconscient) (chap. II). Ainsi j´habite dans le découvrement non pas théorétique mais érotique de la vérité, qu´il faut aimer pour la connaître (chap.
III). Ainsi j´éprouve, au moment d´aimer (ou de haïr) la vérité, l´indisponibilité de ma propre volonté à elle-même et mon exposition incessante à la tentation (chap. IV). L´altérité du soi à soi ne pourra jamais se dépasser, mais elle peut se penser. Il faut pour cela identifier l´écart qui fait de je son autre le plus proche, mais le plus définitif. Cet écart se déploie dans l´événement du temps lui-même, où ce que je suis se déploie précisément et inéluctablement dans la distance, la distraction et l´écart l toute la difficulté consiste alors à user cette distance comme d´un élan hors de soi, non comme une dispersion en soi (chap.
V). L´écart ambivalent de sa temporalité assigne en fait le soi à sa finitude, ou plus exactement à son statut de créature (chap. VI): en tant que tel, l´homme n´a pas d´autre essence ni définition que sa référence à Dieu, que son statut d´image renvoyée à la ressemblance de Dieu. Ce qui prend la place du soi, à savoir ce renvoi même à l´image et ressemblance, ne l´abolit donc pas, mais le reconduit à son lieu unique - à plus que soi, autre que soi, mais plus soi que soi, interior intimo meo.
A moins que cet excès sur soi, le soi de l´homme ne trouve pas de lieu où se poser."