"Tout au long de son grand traité d’athéologie, le Shôbôgenzô, Dôgen (1200-1253) enseigne la vision juste. Voir juste c’est voir en cessant de voir ce qui n’est pas, c’est s’éveiller à la vraie nature des choses. La vraie nature des choses, le coeur, est sans qui, ni quoi, sans quand, ni où, calme et apaisée, vide.
Mais l’éveil à est une manière de dire. L’éveil ne s’obtient pas. L’éveil et l’homme et le mouvement de l’un vers l’autre sont des hypostases ; aucun n’existe en soi, indépendamment de l’autre. Dôgen met en exergue le syllogisme du maître chan Yunju Daoying (?-902) : l’homme, tout homme sans exception, est déjà l’éveil ; l’éveil est déjà l’homme ; donc il n’y a pas à se soucier d’obtenir l’éveil. Cette voie sans trajet, de plain-pied avec l’éveil, s’appelle tout simplement ça.
Si c’est la pensée sans compromission de Nâgârjuna, le fondateur de la tradition du bouddhisme Mâdhyamaka, qui constitue l’ossature du Shôbôgenzô, c’est la patrologie chan de l’époque Tang qui fait office de matériau, un matériau souple et malléable, indispensable à l’expression de l’audacieuse méthode exégétique de son auteur. Les mots y sont considérés non pas comme sacrés, mais comme le filet qu’on jette après avoir attrapé sa proie."
"Tout au long de son grand traité d’athéologie, le Shôbôgenzô, Dôgen (1200-1253) enseigne la vision juste. Voir juste c’est voir en cessant de voir ce qui n’est pas, c’est s’éveiller à la vraie nature des choses. La vraie nature des choses, le coeur, est sans qui, ni quoi, sans quand, ni où, calme et apaisée, vide.
Mais l’éveil à est une manière de dire. L’éveil ne s’obtient pas. L’éveil et l’homme et le mouvement de l’un vers l’autre sont des hypostases ; aucun n’existe en soi, indépendamment de l’autre. Dôgen met en exergue le syllogisme du maître chan Yunju Daoying (?-902) : l’homme, tout homme sans exception, est déjà l’éveil ; l’éveil est déjà l’homme ; donc il n’y a pas à se soucier d’obtenir l’éveil. Cette voie sans trajet, de plain-pied avec l’éveil, s’appelle tout simplement ça.
Si c’est la pensée sans compromission de Nâgârjuna, le fondateur de la tradition du bouddhisme Mâdhyamaka, qui constitue l’ossature du Shôbôgenzô, c’est la patrologie chan de l’époque Tang qui fait office de matériau, un matériau souple et malléable, indispensable à l’expression de l’audacieuse méthode exégétique de son auteur. Les mots y sont considérés non pas comme sacrés, mais comme le filet qu’on jette après avoir attrapé sa proie."