Lorsqu’Emile Dantinne, l’un des plus fidèles zélateurs du Sâr Péladan au XXe siècle, dénonce la tendance de ce dernier à « faire trop exclusivement de la Rose-Croix un mouvement d’esthétisme » parce qu’« en fait de servir vraiment l’occultisme (…) il le faisait servir à ses desseins de rénovation artistique », le ton péremptoire choisi pour lancer sa critique amicale paraît, de prime abord, exagéré si l’on s’en tient au texte virtuose de Péladan que nous rééditons : Introduction aux Sciences Occultes. Cependant, après avoir relu les Onze Chapitres Mystérieux du Sépher Bereschit du même Péladan que nous faisons suivre ici à l’Introduction aux Science Occultes, bien que publié quatorze ans plus tôt, l’on s’aperçoit vite que le biographe du Sâr n’avait pas vraiment tort, oublieux qu’il fut cependant de redéfinir l’Art, dans son argumentation serrée, à l’aune de la vision idéaliste de Péladan d’avant sa conversion de 1898, savoir comme une véritable sotériologie de l’humaine nature. Car les textes que nous publions, en quelque sorte jumelés, ou adossés, forment les deux pôles les plus « occultistes » de la production péladane, d’où leur intérêt commun quoique divergeant quant à leur vocation respective. D’un côté le texte de la maturité, et qui apparaît comme épuré de toutes les scories produites par l’appareil institutionnel de la Rose-Croix catholique, rêvé par le Mage. De l’autre, une étude de circonstance, allégeance à une vision moins kabbalistique qu’anagogique ; écrite en contrepoint à un théâtre idéaliste naissant très attaqué, face à une polémique grandissante (la « Guerre des deux Roses »), entretenue depuis 1892 par le mouvement martiniste de Papus et celui de la Rose-Croix kabbalistique de Stanislas de Guaïta (fondé en 1888), critique devant les nouveaux travaux de leur ancien collègue, qu’ils jugent comme « un grandiloque sans base certaine et d’une érudition toute erronée ». Ce n’est pas un hasard si ces deux ouvrages offrent alors toute la doctrine esthétique du Maître pour qui veut sortir dans un premier temps du naturalisme et de l’impressionnisme à la mode et accéder par des règles plus strictes d’esthétique au temple de la mystique catholique. Véritable utopie s’il en est, puisqu’elle n’inféode ni la société, ni la politique ; véritable idéalité intérieure également pour le maître de la Rose-Croix Catholique, premiers pas vers le voyage d’Égypte et vers le cheminement initiatique qui conduiront à la conversion « péladienne » de 1898, date qui marque aussi la fin des Salons de la Rose-Croix.
Présentation d´Emmanuel Dufour-Kowalski
Lorsqu’Emile Dantinne, l’un des plus fidèles zélateurs du Sâr Péladan au XXe siècle, dénonce la tendance de ce dernier à « faire trop exclusivement de la Rose-Croix un mouvement d’esthétisme » parce qu’« en fait de servir vraiment l’occultisme (…) il le faisait servir à ses desseins de rénovation artistique », le ton péremptoire choisi pour lancer sa critique amicale paraît, de prime abord, exagéré si l’on s’en tient au texte virtuose de Péladan que nous rééditons : Introduction aux Sciences Occultes. Cependant, après avoir relu les Onze Chapitres Mystérieux du Sépher Bereschit du même Péladan que nous faisons suivre ici à l’Introduction aux Science Occultes, bien que publié quatorze ans plus tôt, l’on s’aperçoit vite que le biographe du Sâr n’avait pas vraiment tort, oublieux qu’il fut cependant de redéfinir l’Art, dans son argumentation serrée, à l’aune de la vision idéaliste de Péladan d’avant sa conversion de 1898, savoir comme une véritable sotériologie de l’humaine nature. Car les textes que nous publions, en quelque sorte jumelés, ou adossés, forment les deux pôles les plus « occultistes » de la production péladane, d’où leur intérêt commun quoique divergeant quant à leur vocation respective. D’un côté le texte de la maturité, et qui apparaît comme épuré de toutes les scories produites par l’appareil institutionnel de la Rose-Croix catholique, rêvé par le Mage. De l’autre, une étude de circonstance, allégeance à une vision moins kabbalistique qu’anagogique ; écrite en contrepoint à un théâtre idéaliste naissant très attaqué, face à une polémique grandissante (la « Guerre des deux Roses »), entretenue depuis 1892 par le mouvement martiniste de Papus et celui de la Rose-Croix kabbalistique de Stanislas de Guaïta (fondé en 1888), critique devant les nouveaux travaux de leur ancien collègue, qu’ils jugent comme « un grandiloque sans base certaine et d’une érudition toute erronée ». Ce n’est pas un hasard si ces deux ouvrages offrent alors toute la doctrine esthétique du Maître pour qui veut sortir dans un premier temps du naturalisme et de l’impressionnisme à la mode et accéder par des règles plus strictes d’esthétique au temple de la mystique catholique. Véritable utopie s’il en est, puisqu’elle n’inféode ni la société, ni la politique ; véritable idéalité intérieure également pour le maître de la Rose-Croix Catholique, premiers pas vers le voyage d’Égypte et vers le cheminement initiatique qui conduiront à la conversion « péladienne » de 1898, date qui marque aussi la fin des Salons de la Rose-Croix.
Présentation d´Emmanuel Dufour-Kowalski