« Un parler ouvert ouvre un autre parler et le tire hors, comme fait le vin et l´amour » (III, 1, p. 794). Un parler ouvert est un parler affranchi et non pas retenu par la crainte, inhibé par l´avarice du cœur, contrôlé par les conventions ; un parler affranchi est un parler qui affranchit. Montaigne nous interpelle, il nous provoque à la parole, non certes pour que nous ajoutions encore au « fourmillement » de commentaires académiques qui aujourd´hui finissent par étouffer son propos — « ce livre en a assez, il n´y a meshuy plus que dire » (III, 13, p. 1067) — mais pour que nous nous découvrions à l´épreuve des « Essais » et que nous nous exprimions, à la faveur de cette « entreglose ». On ne lit pas les « Essais », ce sont eux qui nous lisent et nous déchiffrent. Tel est le « suffisant lecteur » ; qu´il inventorie son âme au miroir de celle de Montaigne, comme Montaigne découvrait la sienne propre à travers ses auteurs favoris, et c´en est fait du « doctus cum libro » si chacun n´est savant que de soi-même. La véritable « suffisance » n´est pas l´autorité donnée par un savoir accumulé, mais cette fécondité acquise d´une ouverture à qui nous interpelle. Ainsi les « Essais », inachevés par essence, font leur jeu de cette mise en abyme de mille et une intériorités, qui se creusent en cet entretien infini. Le privilège de ceux qui aujourd´hui s´expriment ne saurait leur donner qu´un devoir, celui de ne se point départir d´une grande humilité. Table des matières :
Pierre Magnard Avant-propos. Lire les « Essais » 7
Thierry Gontier Introduction. Les « Essais » : un manuel de sagesse humaine 13
I. L´exercice de la pensée
Bernard Sève Témoin de soi-même ? Montaigne et l´écriture de soi 23
Philippe Desan Éléments d´une sociologie des « Essais » 45
Nicola Panichi Le scepticisme qui « gaigne » le jugement. Le Plutarque de Montaigne 67
Suzel Mayer La conférence, un exercice spirituel ? 81
II. La conduite de la vie
Francis Goyet Montaigne et l´orgueil de « l´humaine prudence » 109
Jean Balsamo « Et me contente de gémir sans brailler ». Montaigne et l´humanité héroïque133
Marc Foglia L´expérience morale chez Montaigne 155
Thierry Ménissier L´autorité dans les « Essais » de Montaigne. Nature et limite de la relation d´obéissance 179
III. Bâtir l´homme
Jean-Louis Vieillard-Baron Montaigne et l´éducation humanist 205
Emiliano Ferrari La psychohistoire ou « l´anatomie de la philosophie » 231
Ali Benmakhlouf Montaigne, l´amitié et la limitation de l´inhumain 253
IV. Le vivre et le mourir
Géralde Nakam Corps malade, « têtes malades » 273
Thierry Gontier Que philosopher, c´est apprendre à vieillir 293
Pierre Magnard La grande santé. Un tournant dans la conception de la maladie 315
« Un parler ouvert ouvre un autre parler et le tire hors, comme fait le vin et l´amour » (III, 1, p. 794). Un parler ouvert est un parler affranchi et non pas retenu par la crainte, inhibé par l´avarice du cœur, contrôlé par les conventions ; un parler affranchi est un parler qui affranchit. Montaigne nous interpelle, il nous provoque à la parole, non certes pour que nous ajoutions encore au « fourmillement » de commentaires académiques qui aujourd´hui finissent par étouffer son propos — « ce livre en a assez, il n´y a meshuy plus que dire » (III, 13, p. 1067) — mais pour que nous nous découvrions à l´épreuve des « Essais » et que nous nous exprimions, à la faveur de cette « entreglose ». On ne lit pas les « Essais », ce sont eux qui nous lisent et nous déchiffrent. Tel est le « suffisant lecteur » ; qu´il inventorie son âme au miroir de celle de Montaigne, comme Montaigne découvrait la sienne propre à travers ses auteurs favoris, et c´en est fait du « doctus cum libro » si chacun n´est savant que de soi-même. La véritable « suffisance » n´est pas l´autorité donnée par un savoir accumulé, mais cette fécondité acquise d´une ouverture à qui nous interpelle. Ainsi les « Essais », inachevés par essence, font leur jeu de cette mise en abyme de mille et une intériorités, qui se creusent en cet entretien infini. Le privilège de ceux qui aujourd´hui s´expriment ne saurait leur donner qu´un devoir, celui de ne se point départir d´une grande humilité. Table des matières :
Pierre Magnard Avant-propos. Lire les « Essais » 7
Thierry Gontier Introduction. Les « Essais » : un manuel de sagesse humaine 13
I. L´exercice de la pensée
Bernard Sève Témoin de soi-même ? Montaigne et l´écriture de soi 23
Philippe Desan Éléments d´une sociologie des « Essais » 45
Nicola Panichi Le scepticisme qui « gaigne » le jugement. Le Plutarque de Montaigne 67
Suzel Mayer La conférence, un exercice spirituel ? 81
II. La conduite de la vie
Francis Goyet Montaigne et l´orgueil de « l´humaine prudence » 109
Jean Balsamo « Et me contente de gémir sans brailler ». Montaigne et l´humanité héroïque133
Marc Foglia L´expérience morale chez Montaigne 155
Thierry Ménissier L´autorité dans les « Essais » de Montaigne. Nature et limite de la relation d´obéissance 179
III. Bâtir l´homme
Jean-Louis Vieillard-Baron Montaigne et l´éducation humanist 205
Emiliano Ferrari La psychohistoire ou « l´anatomie de la philosophie » 231
Ali Benmakhlouf Montaigne, l´amitié et la limitation de l´inhumain 253
IV. Le vivre et le mourir
Géralde Nakam Corps malade, « têtes malades » 273
Thierry Gontier Que philosopher, c´est apprendre à vieillir 293
Pierre Magnard La grande santé. Un tournant dans la conception de la maladie 315