"Le « Descartes » de Cassirer est un livre profondément original, tant par ses thèmes, qui touchent à la fois au fondement de la métaphysique cartésienne qu´aux rapports avec Corneille ou Christine de Suède, que par sa méthode, laquelle emprunte autant à Goethe qu´à Cohen et entretient une discussion de fond avec Dilthey. Ce livre appartient ainsi à la fois à une série d´études sur l´idéalisme propre à l´école de Marbourg, série en laquelle il côtoie par exemple le « Descartes´ Erkenntnisstheorie » (1882) de Natorp, et à des études biographiques plus proprement cassirerienne telles par exemple son « Kant´s Leben und Lehre », ou encore ses études sur Rousseau.
En dépit de la limpidité du propos et de l´écriture, ici magistralement rendus par la remarquable traduction de Philippe Guilbert, c´est un principe herméneutique très novateur qui commande le travail biographique. Il s´agit de concevoir l´unité dynamique de la vie et de l´oeuvre en la reconduisant à la personnalité vivante dont la racine transcendantale est la spontanéité. Si donc Cassirer s´efforce ici de restituer l´unité de la vie et de l´oeuvre de Descartes et renvoie à un principe exégétique goethéen, c´est néanmoins sur fond d´une philosophie proprement transcendantale, et donc en se distinguant de Dilthey. Car cette herméneutique, que Cassirer applique notamment à Rousseau, Kant, Goethe, Schiller et Cohen, n´est rendue possible que par l´unité synthétique et productive du sujet que fonde la philosophie des formes symboliques. La structure même de l´ouvrage qui, partant des « Problèmes fondamentaux du cartésianisme », inscrit ensuite cette oeuvre dans l´ensemble de son époque, marque bien les niveaux historiographiques ici au travail : on s´élève progressivement de l´histoire vivante d´une oeuvre à la « Geistesgeschichte », à l´histoire de l´esprit à laquelle elle contribue et en laquelle elle trouve sa pleine signification.
Ce livre est donc tout aussi bien une passionnante étude sur Descartes, dont les traductions partielles et fort « libres » ne donnaient jusqu´à aujourd´hui qu´une médiocre idée, qu´un maillon essentiel de la reconstitution de la modernité philosophique."
"Le « Descartes » de Cassirer est un livre profondément original, tant par ses thèmes, qui touchent à la fois au fondement de la métaphysique cartésienne qu´aux rapports avec Corneille ou Christine de Suède, que par sa méthode, laquelle emprunte autant à Goethe qu´à Cohen et entretient une discussion de fond avec Dilthey. Ce livre appartient ainsi à la fois à une série d´études sur l´idéalisme propre à l´école de Marbourg, série en laquelle il côtoie par exemple le « Descartes´ Erkenntnisstheorie » (1882) de Natorp, et à des études biographiques plus proprement cassirerienne telles par exemple son « Kant´s Leben und Lehre », ou encore ses études sur Rousseau.
En dépit de la limpidité du propos et de l´écriture, ici magistralement rendus par la remarquable traduction de Philippe Guilbert, c´est un principe herméneutique très novateur qui commande le travail biographique. Il s´agit de concevoir l´unité dynamique de la vie et de l´oeuvre en la reconduisant à la personnalité vivante dont la racine transcendantale est la spontanéité. Si donc Cassirer s´efforce ici de restituer l´unité de la vie et de l´oeuvre de Descartes et renvoie à un principe exégétique goethéen, c´est néanmoins sur fond d´une philosophie proprement transcendantale, et donc en se distinguant de Dilthey. Car cette herméneutique, que Cassirer applique notamment à Rousseau, Kant, Goethe, Schiller et Cohen, n´est rendue possible que par l´unité synthétique et productive du sujet que fonde la philosophie des formes symboliques. La structure même de l´ouvrage qui, partant des « Problèmes fondamentaux du cartésianisme », inscrit ensuite cette oeuvre dans l´ensemble de son époque, marque bien les niveaux historiographiques ici au travail : on s´élève progressivement de l´histoire vivante d´une oeuvre à la « Geistesgeschichte », à l´histoire de l´esprit à laquelle elle contribue et en laquelle elle trouve sa pleine signification.
Ce livre est donc tout aussi bien une passionnante étude sur Descartes, dont les traductions partielles et fort « libres » ne donnaient jusqu´à aujourd´hui qu´une médiocre idée, qu´un maillon essentiel de la reconstitution de la modernité philosophique."