Le présent volume constitue en fait la dernière partie d’une trilogie, La Représentation des corps et du ciel, qui s’est imposée sans avoir été préméditée et comprend ainsi les trois oratorios Le grand silence (2011), Le temps ouvre les yeux (2013) et Présent absolu (2014). Comme La Représentation de l’Âme et du Corps d’Emilio de’ Cavalieri (1600) marqua l’invention de l’oratorio (cf la note finale du Grand silence), le cycle de La Représentation des corps et du ciel constitue un drame en trois actes : la longue procession du temps (1) et sa dilatation à l’infini dans l’espace (2) se résolvent en un unique maintenant de toujours jaillissant (3).
Publié en 2011, Le grand silence, oratorio inaugurait une forme nouvelle d’écriture poétique. Fondée sur une composition essentiellement musicale, elle tente de conjuguer le rythme de la prose et la concision du poème, la multiplicité du monde physique et l’intensité de l’espace mental, pour les réconcilier dans un chant ample et fugué. Dans le magazine La Vie, Jean-Pierre Denis a salué ce livre novateur : « Le grand silence n´est pas un recueil, mais un puissant “oratorio”, montée de chants où la voie des mots porte la voix des morts, en une prenante anamnèse. Un chemin obsédant, envoûtant, où la puissance de la parole tient, paradoxalement, dans l´économie de mots.»
Paru en 2013, Le temps ouvre les yeux s´inscrit dans la même ligne, comme le soulignait excellemment Nelly Carnet dans la revue Temporel : « De la perception du temps, nous glissons progressivement à celle de l’espace : “le brun roux / des hêtres // le jaune / des érables”. Au milieu de cet espace vibrant, la figure d’un enfant apparaît qui fait office de découvreur. Il regarde, il écoute dans la simplicité. Dans le huitième mouvement, tout semble se réunir en un seul point d’encrage : “c’est / dans mon corps // dans ma gorge / les cordes // se lèvent / les bois // les cuivres / les courbes”. Dans la mouvance, l’apparition et la disparition rythment le monde, le font miroiter, en répétitions, en reflets, en échos, et le ponctuent. »
Le grand silence s’inscrivait dans les images de la temporalité : cortège, lignage, sillage, train, arbre. Le temps ouvre les yeux faisait exploser cette temporalité linéaire pour célébrer les images de l’espace : simultanéité, jeu d’échos où le paysage orchestre se dilatait à l’infini. Présent absolu s’ouvre à une dimension nouvelle qui dépasse le temps comme l’espace : celle du plus proche, de l’irréductible et innommable présence, vide et libre de tout.
Comme les deux précédents, ce nouvel oratorio comporte neuf chants de même longueur. Il est précédé d’une note introductive intitulée « Ici est le chant » : « Quelque chose est ici. Vivant si fort. On voudrait crier. Mais si peu de chair, de sang, d’air. Déjà poudre, poussière. Comme rien. Ce peu d’ici – déjà comme nulle part. Ce peu de mots déjà comme silence. Infiniment précieux. Et le cri reste enfoui. Impossible. Étouffé. Déjà comme oublié. Quelque chose est ici. Évident. Taraudant. Présent si intensément. Si seul à jamais que c’est douloureux. Les globes des yeux brûlés par la lumière, tempes battues par les vagues du sang. Quelque chose parle ici. Et n’a rien à dire. Rien d’autre que se dire. Cet ici de sang et d’os. Si peu. Cet ici de si peu de mots. Qui ne sont qu’un peu d’air, un peu de peau. Ce moment singulier où un semblant de chair se sera dit – et aucun sens, aucun lendemain. N’aura été que voix vacante dans l’espace de personne. Ligne, volte, vibrato. N’aura été que chant. »
L’oratorio est suivi d’un essai intitulé « Cet art du peu », visant à redéfinir les possibilités et la vocation propre de la poésie par comparaison de ses moyens avec ceux de la musique et la peinture : « De quelle matière sera fait cet art singulier qu’on nomme poésie, substance apparemment si ténue, insaisissable, qu’elle ne se peut réduire à aucune signification ni aucun objet ? »
Le présent volume constitue en fait la dernière partie d’une trilogie, La Représentation des corps et du ciel, qui s’est imposée sans avoir été préméditée et comprend ainsi les trois oratorios Le grand silence (2011), Le temps ouvre les yeux (2013) et Présent absolu (2014). Comme La Représentation de l’Âme et du Corps d’Emilio de’ Cavalieri (1600) marqua l’invention de l’oratorio (cf la note finale du Grand silence), le cycle de La Représentation des corps et du ciel constitue un drame en trois actes : la longue procession du temps (1) et sa dilatation à l’infini dans l’espace (2) se résolvent en un unique maintenant de toujours jaillissant (3).
Publié en 2011, Le grand silence, oratorio inaugurait une forme nouvelle d’écriture poétique. Fondée sur une composition essentiellement musicale, elle tente de conjuguer le rythme de la prose et la concision du poème, la multiplicité du monde physique et l’intensité de l’espace mental, pour les réconcilier dans un chant ample et fugué. Dans le magazine La Vie, Jean-Pierre Denis a salué ce livre novateur : « Le grand silence n´est pas un recueil, mais un puissant “oratorio”, montée de chants où la voie des mots porte la voix des morts, en une prenante anamnèse. Un chemin obsédant, envoûtant, où la puissance de la parole tient, paradoxalement, dans l´économie de mots.»
Paru en 2013, Le temps ouvre les yeux s´inscrit dans la même ligne, comme le soulignait excellemment Nelly Carnet dans la revue Temporel : « De la perception du temps, nous glissons progressivement à celle de l’espace : “le brun roux / des hêtres // le jaune / des érables”. Au milieu de cet espace vibrant, la figure d’un enfant apparaît qui fait office de découvreur. Il regarde, il écoute dans la simplicité. Dans le huitième mouvement, tout semble se réunir en un seul point d’encrage : “c’est / dans mon corps // dans ma gorge / les cordes // se lèvent / les bois // les cuivres / les courbes”. Dans la mouvance, l’apparition et la disparition rythment le monde, le font miroiter, en répétitions, en reflets, en échos, et le ponctuent. »
Le grand silence s’inscrivait dans les images de la temporalité : cortège, lignage, sillage, train, arbre. Le temps ouvre les yeux faisait exploser cette temporalité linéaire pour célébrer les images de l’espace : simultanéité, jeu d’échos où le paysage orchestre se dilatait à l’infini. Présent absolu s’ouvre à une dimension nouvelle qui dépasse le temps comme l’espace : celle du plus proche, de l’irréductible et innommable présence, vide et libre de tout.
Comme les deux précédents, ce nouvel oratorio comporte neuf chants de même longueur. Il est précédé d’une note introductive intitulée « Ici est le chant » : « Quelque chose est ici. Vivant si fort. On voudrait crier. Mais si peu de chair, de sang, d’air. Déjà poudre, poussière. Comme rien. Ce peu d’ici – déjà comme nulle part. Ce peu de mots déjà comme silence. Infiniment précieux. Et le cri reste enfoui. Impossible. Étouffé. Déjà comme oublié. Quelque chose est ici. Évident. Taraudant. Présent si intensément. Si seul à jamais que c’est douloureux. Les globes des yeux brûlés par la lumière, tempes battues par les vagues du sang. Quelque chose parle ici. Et n’a rien à dire. Rien d’autre que se dire. Cet ici de sang et d’os. Si peu. Cet ici de si peu de mots. Qui ne sont qu’un peu d’air, un peu de peau. Ce moment singulier où un semblant de chair se sera dit – et aucun sens, aucun lendemain. N’aura été que voix vacante dans l’espace de personne. Ligne, volte, vibrato. N’aura été que chant. »
L’oratorio est suivi d’un essai intitulé « Cet art du peu », visant à redéfinir les possibilités et la vocation propre de la poésie par comparaison de ses moyens avec ceux de la musique et la peinture : « De quelle matière sera fait cet art singulier qu’on nomme poésie, substance apparemment si ténue, insaisissable, qu’elle ne se peut réduire à aucune signification ni aucun objet ? »